Batman a 85 ans: comment le chevalier noir continue de se renouveler

À 85 ans, Batman n'a jamais été aussi populaire. Mais le chevalier noir imaginé en 1939 par Bob Kane et Bill Finger semble plus que jamais cantonné à des histoires sombres et désespérées. Ses spin-offs n'offrent pas plus d'espoir: Joker: Folie à deux, en salles en octobre, est annoncé comme une comédie musicale ultra-violente tandis que Le Pingouin, avec Colin Farrell, sera une série policière "très sombre".

Autant de projets audiovisuels qui limitent le potentiel de l'un des personnages "les plus malléables de l'histoire des comics", note le journaliste spécialisé Daniel Andreyev. Et font oublier le dynamisme de cet univers: "Par mois, il y a une dizaine de titres Batman qui sortent si on compte toute la Bat family: Nightwing, Batman & Robin, Batman 89 etc. Plusieurs Batman peuvent coexister en même temps. Un Batman n'exclut pas l'autre."

Dans les comics, il a une palette bien plus riche. "Même si un comics Batman peut paraître hardcore, celui-ci est en réalité noyé dans l'offre", poursuit le spécialiste. "Et ce n'est pas parce qu'il existe une version hardcore de Batman que ça interdit de lire une autre version plus légère. Il y a eu des périodes où les Batman très glauques des BD côtoyaient par exemple la série TV Brave and the Bold qui est une espèce de farce autour du personnage ou Batman 66, une adaptation de la série des 60's du héros."

Batman dans l'espace

Principal vecteur de Batman auprès du grand public, le cinéma "s'entête" pourtant à proposer une version sombre de cet univers, déplore Daniel Andreyev. Dans The Batman, dernier film en date du personnage, Robert Pattinson y campe un héros replié sur lui-même et coupé du monde. Le 7e Art renouera-t-il un jour avec l'esprit drôle et kitsch de la série des années 1960 avec Adam West?

"Cette série est toujours accessible. Si c'est ce que vous voulez voir, vous pouvez la regarder. Et la revoir en boucle", s'amuse Jeph Loeb, scénariste de la série de comics The Long Halloween, qui sera l'invité d'honneur les 27 et 28 avril du Paris Fan Festival à Paris.

"Mais le personnage a évolué. Il n'est plus du tout comme ça. Il a mûri. Et le public semble apprécier cette vision plus sombre du personnage."

"Si le public disait qu'il ne voulait plus de Batman sombre, alors on tenterait peut-être de revenir à quelque chose d'un peu plus rigolo", poursuit le scénariste, dont l'œuvre a servi d'inspiration aux versions cinématographiques les plus sombres du personnage, du Dark Knight de Nolan au Batman avec Robert Pattinson. "Notre ambition est de raconter des histoires qui peuvent faire du bien au public."

"Je ne pense pas qu'il y ait trop de noirceur dans Batman si l'on s'écarte du cinéma", renchérit Daniel Andreyev. "Il y a en ce moment le comics Batman: Off World (qui sortira en septembre en France, ndlr) où il se bat dans l'espace avec des extraterrestres robots. Il y a déjà eu des Batman cowboys, pirates ou hommes des cavernes. Grant Morisson a déjà fait ça en envoyant Batman à travers le temps. Il y a ça aussi dans Lego Batman pour les enfants."

"Une idée complètement folle"

Pour Jeph Loeb, Batman n'a même pas besoin de second souffle. "Je l'ai vu être réinventé tant de fois au cours de ma vie que j'aime ce qu'il est devenu aujourd'hui." La noirceur du personnage est une source d'inspiration permanente: "Les comics sont toujours porteurs d'espoir. Mais Batman vit dans les ténèbres. Il ne veut pas montrer la voie pour que l'on devienne meilleur: il veut nous protéger du pire. C'est un message noble."

S'il essaye "toujours de trouver une histoire qui puisse nous apprendre quelque chose de nouveau sur ce personnage", Jeph Loeb estime que tout bon comics Batman doit reposer avant tout sur une idée simple qui n'a pas besoin d'être renouvelée.

"La meilleure manière de le mettre en scène est de s'inspirer de sa promesse sur la tombe de ses parents: libérer Gotham City du vice qui a emporté la vie de ses parents."

"Chaque nuit, quand il sort, il essaye de prendre sa revanche sur cet horrible crime qui a marqué son enfance. C'est une idée complètement folle. Il ne pourra jamais se débarrasser de tout le crime. Même lorsqu'il triomphe, il échoue. Il est un peu comme Sisyphe. C'est un problème psychologique contre lequel il ne cesse de lutter et qui est passionnant à exploiter en tant que scénariste."

Le fils de Batman au cinéma

Au cinéma, le plus grand défi reste de raconter une aventure de Batman sans rejouer une énième fois la mort des parents Wayne. The Batman est le seul film à avoir fait l'économie de la fameuse séquence où Thomas et Martha Wayne sont assassinés dans une ruelle sombre, en sortant d'une séance de cinéma du Signe de Zorro. "Ça devient un événement quand un film décide de ne pas la montrer", sourit Daniel Andreyev.

Le cinéma commence à se détacher de cette imagerie. Le film d'animation Batman Aztèque: Le Choc des Empires mettra bientôt en scène le chevalier noir face aux conquistadors espagnols. Le grand public non-amateur de comics devrait aussi être surpris en 2026 par le film The Brave and the Bold, inspiré par Grant Morrison. Ce film produit par James Gunn aura pour héros Bruce Wayne et... son fils Damian.

"Je ne sais pas si le grand public qui ne lit pas de comics sait que Batman a un fils! Ce sera une nouvelle expérience", s'exclame Jeph Loeb. "Grant Morrison lui a offert une autre dimension en le confrontant à la paternité - ce qu'il a perdu en tant que fils, il va l'apprendre en étant père. C'est une nouvelle vision du personnage ni sombre ni joyeuse - c'est juste aussi compliqué que la vie." Prochain objectif, selon Daniel Andreyev: "faire Robin enfin correctement au cinéma."

Article original publié sur BFMTV.com